Le générique de X-Files est toujours aux frontières du réel

Anatomie d'un Générique

D’étranges images qui s’impriment sur les ondes télévisuelles, les échos de notes qui résonnent au coeur de la nuit et que des millions de gens pourraient reconnaître les yeux fermés… Si l’introduction de X-Files est à ce point-là devenue culte, ce n’est pas uniquement pour sa forte valeur symbolique. C’est d’abord parce qu’elle est elle-même un OVNI du petit écran.

Une succession d’images et de distorsions à première vue abstraites, qui s’adresse directement à l’inconscient. Le prologue de X-Files ne montre rien, il évoque. Il dessine les contours de l’étrange tout en repoussant le spectre de la connaissance. En filmant une figure fantomatique qui traverse un couloir depuis une caméra de surveillance, ou bien en placardant la photo classifiée d’un vaisseau spatial pris sur le vif, l’introduction d’X-Files parvient à enfermer des légendes urbaines sur l’existence des fantômes ou des aliens dans un écrin crédible. C’est indirectement un sas de décompression, qui encourage votre esprit à s’intéresser aux zones d’ombre du savoir humain. S’ouvrir à la possibilité que certains phénomènes restent inexpliqués.

« Paranormal Activity », « Government Denies Knowledge ». Les mots qui s’affichent à l’écran percutent votre matière grise, avec la volonté claire d’enterrer votre scepticisme, presque comme du conditionnement. Il aurait pu se contenter de dépeindre l’aura du surnaturel, distiller l’atmosphère du mystique au sein d’un trip visuel sans aucune connexion au réel. Pourtant, le prologue déborde aussi d’éléments profondément organiques. Un oeil qui s’ouvre sur la clairvoyance, une empreinte digitale, un cri perdu dans la distorsion, une silhouette humanoïde qui s’effondre dans l’infinité du néant… Les parties du corps qui défilent à l’écran laissent planer l’idée d’un show qui sera aussi profondément humaniste, intimement lié à ces personnages qui nous apparaissent d’abord par leur fonction. Montrer les badges de Mulder et Scully, c’est déjà une manière d’asseoir leur crédibilité. Ce ne sont pas des illuminés qui poursuivent des légendes urbaines depuis un bunker, mais des agents assermentés du Bureau Fédéral d’Investigation. Dès l’introduction, on touche en quelque sorte du doigt ce qui a su rendre la série aussi attachante sa connexion à notre réalité concrète. X-Files déforme juste ce qu’il faut de notre monde pour que l’on se mette à tout remettre en question. Les monstres ne sont pas des fabulations venues d’une planète fantasmée. Ils existent bel et bien, et ils sont déjà parmi nous.

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Un habile cocktail d’étrange et de familier qui se transmet jusque dans ce mythique thème principal. La simple évocation de la musique d’X-Files devrait automatiquement faire démarrer la bande dans votre cerveau. Vous l’entendez dans vos têtes au moment où vous lisez ces lignes, et c’est probablement l’irréfutable preuve que le compositeur Mark Snow a donné vie à l’une des mélodies les plus cultes de toute l’histoire du petit écran. Une succession de six notes, épurées, dépouillées. Minimalistes mais tellement efficaces. Ce n’est un secret pour personne, ces sifflements restent collés dans le crâne. Peut-être parce qu’ils apportent un brin de chaleur au sein d’un générique dominé par les couleurs glaciales. À moins que ce ne soit beaucoup plus simple que ça : ils sont simples à retenir. Minimalistes. Cette musique ne braque pas toute l’attention, elle accompagne. Elle laisse exister le cadre, sans pour autant devenir oubliable ou trop discrète. Le thème de Mark Snow installe cette atmosphère lente et structurée dont le show ne se détachera plus jamais.

Ce n’était pourtant pas forcément gagné dès le début. Aux prémices du projet, le compositeur reconnaît s’être perdu dans une surenchère presque orchestrale. Le créateur de la série, Chris Carter, lui avait filé une armada de CD, supposés servir d’inspiration. Mais lorsque Snow lui envoie une maquette, le showrunner n’est jamais satisfait. Une fois, deux fois… Trois fois. Carter décline avec politesse toutes les propositions musicales de Mark Snow, jusqu’à ce que ce dernier propose un truc. Recommencer de zéro. Tout oublier, faire table rase. Ce qui suit aurait pu relever de la légende, si Mark Snow ne l’avait pas avoué lui-même — le compositeur se serait retourné, penché sur son clavier. Par inadvertance, son coude s’appuie sur plusieurs notes, créant un effet de résonance plutôt pas mal. Intrigué, Snow imbrique, utilise cette résonance comme structure, à laquelle il bidouille une poignée de notes sur le vif. Quelques tentatives plus tard, le thème principal de X-Files venait de naître.

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