Franck Besançon nous parle de ses sculptures 3D de Cenobites

L'ivresse du Regard

Nous sommes ravis de vous présenter Franck Besançon, un artiste talentueux qui a récemment captivé l’attention dans le monde de la 3D avec ses nombreuses créations de cenobites.

Sans formation artistique spécifique, Franck a adopté une approche instinctive dans la création d’images en 3D, se consacrant pleinement à la sculpture depuis janvier 2020. Passionné par les monstres et les créatures depuis son enfance, Franck a exploré le domaine du body horror, offrant une perspective unique et subtile à travers ses créations. Nous avons le plaisir de l’interviewer aujourd’hui pour en savoir plus sur son parcours, son inspiration, et ses projets passionnants qui ne sont pas sans résonner avec l’univers de Hellraiser…

// Bonjour Franck et merci de bien vouloir participer à cette interview pour S!CK. Pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter rapidement ? 

Franck Besançon, c’est mon nom complet, pas un pseudonyme ni rien dans le genre. J’ai un parcours assez particulier, j’ai 42 ans et je me suis lancé dans la 3D il n’y a pas si longtemps, spécifiquement pendant la période du Covid. Avant cela, je travaillais principalement dans le motion design depuis mes 20 ans, dès 2001. J’ai débuté avec une petite entreprise à Paris, puis j’ai évolué dans une agence de communication. J’ai passé des années à travailler sur des sites web, des vidéos, et divers projets créatifs. Ensuite, j’ai commencé à travailler en freelance, principalement dans le motion design. Cependant, la passion pour la 3D me poursuivait depuis des années. Je voulais créer, m’exprimer artistiquement, mais cela restait en suspens. Juste avant le Covid, je me suis dit qu’il était temps d’essayer sérieusement la 3D, surtout la sculture 3D. Pendant des années, j’avais expérimenté un peu de manière autodidacte, sans suivre de tutoriels, et je gardais mes créations pour moi-même. Avant 2020, je ne prenais pas cela très au sérieux.

Cependant, à partir du 1er janvier de cette année-là, j’ai décidé de m’y consacrer pleinement, de travailler tous les jours, et cela fait maintenant quatre ans. Initialement, c’était une échappatoire créative, quelque chose que je devais faire depuis longtemps, et j’ai intensifié mes efforts. Je me suis lancé sur les réseaux sociaux sans attentes particulières, simplement pour partager mon travail. Je n’ai suivi aucune formation artistique ni technique spécifique. Mon approche a été instinctive, axée sur la création d’images en 3D comme un moyen de fabriquer des choses. Je créais des monstres et des créatures simplement parce que j’ai toujours eu un faible pour eux. L’idée de pouvoir les concevoir moi-même était gratifiante. 

// Nous avons notamment découvert ton travail en faisant des recherches sur les artistes qui œuvrent dans le body horror. Comment es-tu tombé dans la marmite de cette représentation de l’horreur corporelle ? 

C’est un peu difficile à expliquer, car c’est une catégorie assez singulière, le body horror. Au départ, je ne pensais pas à cela comme à du marketing, je me concentrais simplement sur le corps, les monstres, et tout ce qui s’y rapporte. Depuis mon enfance, j’ai toujours été attiré par les monstres et les méchants. Lorsque j’étais petit, contrairement à d’autres qui s’intéressent aux héros, moi, c’étaient les monstres qui me captivaient. Je suppose que c’est une inclinaison partagée par beaucoup d’enfants, bien que peut-être pas par la majorité. C’est quelque chose qui a évolué naturellement, car mes trois premières créations étaient des monstres, un retour à mes dessins d’enfance. J’ai toujours été fasciné par les monstres, les sorcières, et Dark Souls a été une grande source d’inspiration pour moi. Le design du jeu est si élaboré qu’il offre toujours de nouvelles idées. Ce qui me plaît particulièrement, c’est cette dimension muette, cette marche vers l’inconnu. La musique de Dark Souls, par exemple, a toujours été une inspiration. Il y a une élégance dans le design qui ne tombe ni dans le grotesque ni dans le banal. Cela crée une ambiance unique. Au début, mes créations étaient centrées sur ces monstres, puis j’ai progressivement perfectionné mes compétences en sculptant des mains et des éléments déchirés.

Ce qui m’intéressait, c’était de travailler sur des représentations de mains déchirées, des éléments qui évoquent des textures particulières. Tout cela est venu naturellement, et en travaillant quotidiennement, j’ai exploré diverses facettes de cette esthétique. Bien que je ne veuille pas être catégorisé comme généraliste en 3D, je me considère plutôt comme un spécialiste dans ce domaine particulier. C’est une expérience enrichissante, et quand j’ai des projets à réaliser, cela se dirige naturellement vers cette esthétique. En ce qui concerne l’origine de cette inclination, je ne pourrais pas le spécifier exactement. C’est plus un intérêt graphique qu’une intention spécifique. Ce qui me fascine, c’est que le body horror, pour moi, représente une exagération des émotions ou des situations. Je ne suis pas attiré par les choses trop évidentes, où les monstres sont simplement là pour choquer. J’aime que cela ait une certaine subtilité, une symbolique. Parfois, il y a même un double sens, ce qui rend l’exploration de cette esthétique très intéressante. C’est une façon de communiquer quelque chose au-delà de la simple sculpture du monstre. C’est cette idée que je cherche à transmettre, du moins c’est ainsi que je le perçois.

// Tu as réalisé au mois d’octobre une série de 31 cenobites dans le cadre du inktober. Quand on voit ton style cela fait sens et on a découvert des créations que l’on voudrait voir dans un film ou comics de l’univers de Clive Barker. Peux-tu nous parler un peu plus de ton rapport à Hellraiser ? 

C’est assez singulier, un peu décevant, mais aussi assez amusant. À vrai dire, je n’avais pas vu les films Hellraiser. Bien sûr, je connaissais le film, c’est un incontournable. J’apprécie le design qui est vraiment inspirant. Cependant, je n’étais pas totalement immergé dans cet univers. Je n’avais pas vu les films à l’époque, et chaque fois que je les découvrais, c’était à travers mes sculptures. Quant aux livres, je n’avais pas lu les romans, mais j’avais feuilleté The Books of Blood de Clive Barker et The Damnation Game, je pense. Il y en a eu beaucoup au fil des années, mais pas Hellraiser ni Hellbound. À ce moment-là, j’étais très actif sur les réseaux sociaux, bien que je sois maintenant plus détendu. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi bien reçu. C’était en 2022, et j’ai vu qu’un remake de Hellraiser était prévu pour octobre. J’ai eu cette idée un peu débile, en mode « pourquoi ne pas sculpter un cenobite ». Je nomme souvent mes créations, et parfois je fais des petits teasers sur mes réseaux sociaux. Alors je me suis dit, « Bon, je ne sais pas trop, mais j’aime l’univers ». C’était un peu impulsif, naturel, une extension de quelque chose qui coulait de source, sans être un fan hardcore, mais plutôt un connaisseur avisé on va dire.

J’ai donc sculpté un ou deux cenobites pour le plaisir. Puis, en octobre avec l’Inktober, je me suis dit, pourquoi ne pas en faire un par jour ? Ma partenaire m’a dit que cela allait être difficile, mais j’ai décidé de me lancer. Je ne savais pas si j’allais tenir, mais ça a fonctionné. C’était fou, chaque matin je me réveillais avec des notifications et des compteurs qui explosaient. Je produisais ce que j’aimais faire, et cela m’a permis de diversifier mon travail. C’était une période intense, la première semaine était complètement folle, puis ça s’est calmé un peu, mais c’était un peu chaotique. David Bruckner, le réalisateur, a remarqué mes créations grâce au hashtag Hellraiser. Il m’a même retweeté, bien qu’il faisait la promotion de son film. Nous avons eu une petite conversation sur les différentes versions des cenobites. C’était vraiment cool. Bref, le mois était parfait. En fait, je n’ai toujours pas lu les livres, même si je ne voulais pas trop être influencé quand je faisais mes cenobites. Cela a plutôt bien fonctionné, bien que parfois je me retrouve avec des idées similaires à celles des films. Cela ajoute une couche intéressante à ma démarche. Pour le moment, je n’ai pas encore tout exploré, et cela fonctionne bien ainsi. C’est presque mieux, car cela me donne une perspective unique en tant que créateur. 

// Tu te décris comme un sculpteur 3D et tu utilises des outils comme Photoshop ou encore Zbrush. Peux-tu revenir avec nous sur ton choix de logiciels et ton processus technique ? 

ZBrush est vraiment dédié à la création de personnages ou de créatures. Vous pouvez faire beaucoup de choses sur Blender, mais cela ne rivalise pas avec les logiciels spécialisés. Bien sûr, Blender est gratuit, mais cela ne signifie pas qu’il est meilleur. Au début, je travaillais avec quelque chose de plus basique. Je me disais que c’était un passe-temps, que je débutais, mais ce n’était pas le plus performant. En regardant des tutoriels, j’ai découvert que ZBrush était utilisé par les professionnels pour la modélisation et la sculpture. Vous sculptez vos créations, parfois de manière plus ou moins professionnelle, mais ensuite vous les envoyez vers d’autres logiciels pour le rendu et d’autres tâches. Pourquoi ce choix ? Au début, j’étais impressionné par le niveau de qualité que je voulais atteindre. En outre, ZBrush semblait agréable à utiliser, et il l’est vraiment. En ce qui concerne Photoshop, c’est plus pour les retouches finales. J’utilise Photoshop pour ajuster les calques, ajouter des éléments, éliminer le bruit, faire quelques retouches. ZBrush pour la sculpture, KeyShot pour le rendu, c’est simple et efficace, avec un bouton pour obtenir le résultat. 

// Tu as aussi participé au mois d’octobre à un projet appelé Descent into Hell. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce projet et sur les collaborations en ligne du même genre auxquelles tu participes ?

En fait, c’est moi qui ai lancé Descent Into Hell avec un ami en Australie, John Chen, qui partage une passion similaire pour la sculpture. Nous avons fait beaucoup de collaborations où l’un de nous commence une sculpture et l’autre la complète. C’est un processus où nos idées se croisent pour créer des œuvres finales uniques. L’idée de Descent Into Hell a commencé comme une blague entre nous, mais nous avons décidé de l’élargir en invitant d’autres artistes à participer. Au départ, il n’y avait pas de thème précis, mais nous avons finalement décidé de créer une série de petits masques virtuels. Je me suis occupé de la logistique et de l’organisation, contactant les participants et préparant tout pour le lancement du projet. Nous avons eu environ 24 participants au total, car des amis ont invité d’autres artistes à se joindre à nous. Certains artistes notables, comme Jared Krzyski, ont participé et ajouté une valeur significative au projet. Le processus était amusant, bien que fatiguant, car cela s’est déroulé tout au long du mois d’octobre. Chacun devait remplir son masque avec sa propre vision créative. À la fin du projet, nous avons envisagé de mettre à disposition des modèles 3D imprimables pour ceux qui souhaitent avoir une version physique des œuvres.

// Est-ce qu’il y a une franchise ou une saga sur laquelle tu rêverais de travailler ? Tu as par exemple pu travaillé récemment sur Silent Hill Townfall en tant que concept artiste, est-ce qu’il y a d’autres jeux ou films qui te donneraient envie ? 

Je suis ouvert à différentes opportunités, et si un client vient me demander de créer des monstres ou des horreurs pour une franchise spécifique, je suis généralement partant. Cependant, je ne suis pas particulièrement fixé sur une licence en particulier. Mon enthousiasme dépend davantage du projet en lui-même. Travailler sur Silent Hill Townfall était une expérience intéressante en tant que concept artiste, et j’ai eu l’occasion de contribuer à plusieurs autres jeux vidéo, qu’ils soient indépendants ou de plus grande envergure. Les jeux indépendants présentent souvent des défis uniques et sont plus enclins à permettre une créativité plus libre.

Cela dit, l’idée de travailler sur un film d’horreur m’attire également. Par exemple, j’ai apprécié l’ambiance de la série française Marianne, dont le monstre était conçu par Hubert Griffe. Travailler sur des films d’horreur, que ce soit en France ou ailleurs, serait une opportunité stimulante. Pour moi, l’essentiel est de pouvoir contribuer à créer des monstres et des créatures effrayantes, peu importe le support. Cependant, je reste réaliste quant aux défis et aux délais qui accompagnent souvent les projets plus importants, comme les films. Les jeux indépendants offrent parfois plus de flexibilité et une communication plus directe avec l’équipe de développement, ce qui peut être une expérience enrichissante. 

// Pour finir tranquillement, est-ce que tu peux nous parler un peu de ton actualité et peut-être nous teaser quelques projets ? 

Concernant mes actualités, il y a plusieurs projets en cours que je ne peux pas encore détailler entièrement. Actuellement, je travaille sur environ 4 à 5 projets qui s’étendent sur plusieurs semaines voire mois. Un projet que je peux teaser est lié aux eénobites que j’ai créés au cours des deux dernières années. Après avoir sculpté ces 64 Cenobites lors des deux Inktober consécutifs, j’ai acquis une certaine notoriété, notamment avec le soutien du groupe Facebook officiel « Hellraiser: The Hellbound Web ». À plus long terme, mon objectif est de lancer un Kickstarter pour un livre qui rassemblerait environ 100 Cenobites illustrés. Ce livre inclurait des fonds artistiques, du texte narratif, et j’espère même obtenir une préface de Clive Barker. Pour ce faire, j’essaie de le contacter, mais c’est un processus délicat. J’ai eu quelques contacts avec des personnes qui travaillent étroitement avec lui, mais rien n’est confirmé pour le moment. En résumé, entre les collaborations en cours, le projet de livre sur les Cenobites, et d’autres initiatives à venir, j’ai beaucoup de travail passionnant sur la table. Je continue de partager mon travail sur les réseaux sociaux et d’interagir avec la communauté qui soutient mes créations.

On prolonge l’exploration sur le classique de Clive Barker dans un dossier de +80 pages d’interviews et analyses avec côtés de Christopher Young, compositeur légendaire de la saga Hellraiser à lire dans S!CK #027.

Par Julien Djoubri // + Read More
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