L'épisode de Breaking Bad où Vince Gilligan avait prévu de tuer Hank

Dissection d'Épisode

Dans Breaking Bad, le personnage de Hank Schrader occupe une place primordiale. Au-delà du fait qu’il incarne la loi, l’ordre et la morale, il est le pilier qui ramène constamment le spectateur à la réalité criminelle des actions de Walter White.

Dans ce western des temps modernes qu’est l’oeuvre de Vince Gilligan, Hank est sans conteste le badge étoilé. Une figure aussi importante qu’emblématique, véritable antithèse de Walt, qui n’aurait pourtant jamais dû passer le générique de la première saison. À l’époque, Vince Gilligan sentait qu’il fallait marquer le coup, en tuant le beau frère de Walt à l’issue de l’épisode 9 de la première saison de Breaking Bad. Un épisode qui n’aura au final jamais vu le jour, à cause de la grève des scénaristes. Invité il y a quelques années dans le show de Kevin Pollack, le showrunner raconte : « À l’époque, on écrivait et on filmait un peu la série à l’aveugle. Personne n’avait encore vu le résultat final, et on avait l’impression que l’on devait frapper un grand coup. Puis la grève des scénaristes est arrivée, et on n’a pas pu faire les deux derniers épisodes normalement prévus. Nous avons dû clôturer la première saison après sept épisodes, au lieu de neuf initialement commandés. Et justement, dans ce neuvième épisode, on avait décidé de tuer Hank, afin de marquer le coup. Je craignais de ne pas suffisamment retenir l’attention du public ».

Une phrase qui traduit l’anxiété du créateur de la série. Sa peur de ne pas plaire, au risque d’en faire trop. Bryan Cranston parle très souvent en interview du perfectionnisme de Gilligan, de sa peur initiale de ne pas suffisamment intéresser le public. Il faut dire qu’aux prémices de la série, le succès planétaire était loin d’être garanti. Les showrunners et tout le casting ont prié les dieux d’Hollywood pour une deuxième saison, et les audiences ont véritablement commencer à explorer aux alentours de la quatrième saison, lorsque les premiers épisodes de la série diffusée sur AMC sont arrivés sur Netflix. Et si elle est dû à un concours de circonstance, la survit de Hank Shrader s’est avérée être une bénédiction, payante sur la longévité du show. On connait tous les derniers instants de l’agent de la DEA, les supplications possédées de Walter White agenouillé dans le désert, sur le point de perdre le dernier bastion de son humanité dans l’épisode Ozymandias de la cinquième saison. Personne n’a non plus oublié l’expression de dégoût de l’acteur Dean Norris assis sur une cuvette, qui découvre le sens des initiales WW. 

// (BEAUX) FRÈRES ENNEMIS

Véritable armoire à glace, l’interprétation bruyante et charismatique de Dean Norris laisse peu à peu apparaître les traits d’un homme fragilisé tout au long de la série. Il est dans un sens la normalité face à l’égo-trip cancérigène (littéralement) d’Heisenberg. On voit souvent Hank en crise de panique, lutter pour maintenir son intégrité physique et mentale. Ce sont les premiers signes d’un homme souffrant de PTSD (stress post-traumatique), un thème qu’on retrouve aussi grandement dans le personnage de Jesse Pinkman, avec qui Hank partage finalement plus que ce qu’il ne pourrait penser. La descente aux enfers de Hank dans la série est saisissante, l’homme est véritablement transfiguré jusqu’à la dernière seconde. L’agent de la DEA tressaille au moment d’achever Tuco Salamanca, son souffle est pratiquement coupé, là où son beau-frère chimiste roule sur des dealers avec sa Pontiac Aztek et les achèvent au milieu de la rue. À la lumière du final de Better Call Saul, et du point final de l’univers Breaking Bad, nous sommes persuadés que le développement de Walt et l’interprétation phénoménale de Bryan Cranston n’aurait pas eu la même caisse de résonance dans le parfait contrepoids de Hank.

Leur face à face dans le garage, le moment où les masques tombent est d’ailleurs l’un des instants les plus satisfaisants de la série. Une construction parfaite qui s’achève par un véritable duel des temps modernes, où les liens familiaux s’évaporent sous le soleil brûlant du Nouveau-Mexique. « I don’t know who you are, I don’t even know who I’m talking to / Je ne sais pas qui tu es, je ne sais même plus à qui je parle » – dit Hank sur un ton au scalpel. Le phrasé est glacial, à des années lumières de cet agent de la DEA exentrique, sur de lui et macho sur les bords. « If that’s true. If you don’t know who I am, then maybe your best course would be to tread lightly / Si c’est vrai, si tu ne sais pas qui je suis, tu ferais peut-être bien de procéder avec caution ». Ce n’est pas pour rien que cette réplique de Walt est devenue la préférée de Bryan Cranston, comme il l’expliquait à EW. « Tread Lightly., ce sont seulement deux mots. Il y a un côté expéditif, une économie de parole. J’aime cette brièveté ». Face à Hank, Walt devient l’espace de quelques secondes un héros silencieux, cet archétype de l’acabit de Mike Ermantraut (Jonathan Banks) dont on parle dans l’article sur le poids des silences. Mais au-delà de ça, c’est surtout leur adversité qui est silencieuse. Ce jeu de poker entre deux hommes qui ne se voient ni l’un, ni l’autre, pour ce qu’ils sont vraiment.

➜ On prolonge notre virée dans le désert de Vince Gilligan et le duel des alter-ego avec S!CK #023 – Le numéro Breaking Bad, maintenant disponible sur le shop S!CK.

Par Yox Villars // + Read More
Magazine
Tous les premiers mercredi du mois, on part à la rencontre des créateur/trices du cinéma et du jeu vidéo au sein d'une newsletter cross-culture qui prolonge les réflexions du magazine. Ce mois-ci, on discute avec le concept artist d'Alien Romulus, Blade Runner et Fondation !