Sur les traces des Kodamas, les esprits bienveillants de Princesse Mononoké

Cross-Culture

Celles et ceux qui ont vu Princesse Mononoké se souviennent forcément des Kodamas. Ils sont ces petits esprits blancs tremblotant, dont le cliquetis est devenu emblématique du chef-d’oeuvre d’Hayao Miyazaki. Derrière leur aura amusante et désuète, les Kodamas jouent pourtant un rôle très important dans le film. Pour comprendre leurs origines, il faut remonter plusieurs siècles de croyances et de folklore japonais.

Si le design farceur de ces créatures blanches à trois yeux est une création de Miyazaki et des artistes du studio Ghibli, le concept du Kodama est largement antérieur au film. Dans la langue japonaise, kodama (木霊) signifie littéralement un « esprit de l’arbre », ce qui colle plutôt bien au rôle de ces créatures dans le film, qui accompagnent joyeusement Ashitaka dans la forêt centenaire du Shishigami et son dédale de branches et de racines. Dans dans grande famille des yōkai (les fantômes, démons et esprits du folklore japonais), le kodama est un esprit qui apparaît sous de multiples formes, bien qu’il soit la plupart du temps occupant d’un arbre centenaire. Certains l’associe aussi comme le responsable de l’écho que l’on peut entendre résonner lorsque l’on crie dans une vallée (un rôle qui est aussi associé au Yamabiko, qui est une divinité des montagnes). En 1776, l’artiste japonais Toriyama Sekien représentait déjà le Kodama dans son célèbre album de La Parade Nocturne illustrée des cent Démons (画図百鬼夜行 / Gazu Hyakki Yagyō), une collection d’entités spectrales et de monstres dans lesquels vont puiser plusieurs centaines d’oeuvres, et qui sont encore très présents dans la culture aujourd’hui.

Les amoureux/ses de mangas et de J-RPG en ont forcément déjà croisés ! On peut notamment voir des Kodamas dans Shin Megami Tensei V, sous la forme d’esprits aplatis qui ont eux aussi trois yeux. Certains les ont également collectés dans Nioh 2, le jeu de la Team Ninja qui met lui aussi en scène ces petits esprits de la forêt cachés à la vue de tous, et qui ne sont jamais une menace pour le joueur (exactement comme dans Princesse Mononoké). La représentation que fait Toriyama Sekien du Kodama est assez différente que celle d’Hayao Miyazaki. Loin des petits esprits farceurs, le Kodama de 1776 apparaît comme un esprit humanoïde au pied d’un arbre visiblement très ancien. Dans la mythologie latine, on pourrait d’ailleurs le comparer aux Sylvains, un terme tiré du latin « silva » qui désigne la forêt. C’est d’ailleurs le nom qui est donné aux Kodamas dans la version française de Princesse Mononoké, ce qui renforce cette idée que les petits esprits blancs et innocents soient en réalité l’âme de la forêt.

// UN SYMBOLE SHINTOÏSTE

Plus précisément, ils incarnent le lien qui unit les humains et cette nature sauvage qu’ils exploitent souvent sans retenue. Dans Princesse Mononoké, on voit les Kodamas apparaître par centaines, probablement plus, dépassant de la cime des arbres. Une manière pour Hayao Miyazaki de souligner l’importance divine de cette forêt, sa vie foisonnante qui devient tout à coup plus incarnée. Pour le maître, la vision d’un Kodama qui meurt est aussi tragique que celle d’un arbre qui s’effondre, et le moment où des centaines de Kodamas disparaissent lorsque la tête du dieu-cerf est coupée résonne comme un immense péril. Un crime absolu contre la nature, et indirectement contre tous les êtres vivants qui en sont les occupants. Les oiseaux, les loups, les sangliers, mais aussi l’être humain. Lorsque Dame Ebauchi rase des forêts pour alimenter sa forge, elle renie donc la nature, et indirectement sa propre humanité. De la même manière, lorsque la tête du dieu-cerf est restaurée, la vision émouvante d’un Kodama seul résonne comme la promesse d’une renaissance.

Non content d’être les ambassadeurs d’une magie invisible dont on parle longuement dans les pages du numéro Ghibli, les Kodamas représentent aussi la partie spirituelle de la forêt. Dans la croyance japonaise, il est dit que couper un arbre qui renferme l’esprit d’un Kodama apporterait un grand malheur. Protégés de génération en génération, ces arbres sont parfois vénérés dans des temples. On en croise d’ailleurs plusieurs dans les films d’Hayao Miyazaki, que ce soit dans Le Voyage de Chihiro ou la forêt de Totoro, soulignant la spiritualité shintoïste qui traverse l’oeuvre du maître de l’animation japonaise. On voit d’ailleurs dans Totoro un arbre entouré d’une corde (Shimenawa) qui indique la présence d’une entité ou d’un objet habité par un esprit. Il est donc fort possible que la forêt de Totoro renferme elle aussi des Kodamas, qui sont au final des symboles d’une nature aussi fragile que bienveillante, dont la beauté ne s’offre à celles et ceux qui prennent la peine de l’observer.

➜ Retrouvez notre grande analyse des chef-d’oeuvres d’Hayao Miyazaki et Isao Takahata dans S!CK #022 – Le numéro Ghibli. 168 pages de rêveries et de cross-culture, disponible sur le shop S!CK.

CRÉDITS/SOURCES
Par Yox Villars // + Read More
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Magazine

S!CK présente le numéro Se7en

Fin des précommandes le 22 juin à 18h GMT+2

Vous qui lisez ces lignes, abandonnez toute espérance. Replongez dans la lente et minutieuse création de Se7en, le classique de David Fincher dont on a épluché les strates au sein d’un volume cinéma de 276 pages, conçu aux côtés du scénariste, monteur, sound-designer et d’une partie de l’équipe artistique qui a donné vie au classique.

Nous nous sommes replongés dans les prémices du script de Se7en aux côtés de son scénariste Andrew Kevin Walker, qui a spécialement exhumé de ses propres archives de multiples notes et recherches manuscrites sur les premières versions du script de Se7en. Au fil des +125 pages du dossier, on revient aussi sur le découpage ciselé du film avec Richard Francis-Bruce (Monteur), on décortique le processus et l’impact universel de l’introduction du film avec Kyle Cooper (Title Designer), le bruit de la pluie et la science du sound-design aux côtés de Kim B. Christensen (Sound Effect Editor), sans oublier les décors sordides et effets spéciaux macabres avec Barry Chusid (Assistant Art Director) & Margaret Beserra (Équipe des Effets Spéciaux).

SPÉCIFICITÉS ET CONDITIONS D’ENVOIS // 276 pages sans publicité – Langue française – 170 x 230mm – Dos carré collé sur papier 150gr – Impression offset française – Couverture semi-rigide, finitions soft touch – Couverture recto/verso inédite de Shawn Sheehan – Sortie estimée Juillet 2025 // Expédié par nos soins & livraison partout dans le monde. (Voir nos conditions d’envois).

S!CK #031 (CLASSIQUE) - Le numéro Se7en
18,50€
S!CK #031 (COLLECTOR) - Le numéro Se7en
28,50€ 30,00€

➜ ÉDITION COLLECTOR LIMITÉE // Pour plonger dans l’univers créatif de Se7en, nous avons imaginé avec l’artiste Shawn Sheehan un visuel de couverture doublement extensible qui s’étale sur 60cm. Ce dernier se déploie dans une édition collector limitée qui profite également de finitions cuivre sur toutes les faces de la cover, ainsi que d’un bandeau de sur-cover détachable au visuel (infernal) alternatif. Vous trouverez également un marque page recto/verso inédit signé Nicolas Bazin ainsi qu’un deck de 6 cartes à collectionner illustrées par Sévan Grand. Uniquement le temps des précommandes, les 100 premières éditions collector vendues profitent d’un Ex-Libris numéroté et signé par les artistes et intervenants de S!CK #031.

➜  CRÉATIONS & INTERVIEWS FLEUVE // Dans ce numéro, nous avons exploré la cross-culture sous l’angle du cinéma en partant au contact d’artistes et créateurs d’oeuvres comme L’Échelle de Jacob (Bruce Joel Rubin), Mars Express (Jérémie Périn, Laurent Sarfati, Fred Avril, Philippe Monthaye), The Substance (Stanislas Reydellet, Raffertie), Maxxxine (Eliot Rockett) ou encore Scavengers Reign (Sean Buckelew). Pour cet opus, nous avons travaillé avec de multiples artistes (Jacque, K. James Duval, Loïc Lusnia, Nicolas Bazin, Przemysław Berestko, Sevan Grand, Shawn Sheehan & Synopsies) qui ont parsemé nos longs formats de créations inédites.

 

➜ LE CINÉMA IMMORTALISÉ // Chaque numéro, on encapsule les liens entre jeux vidéo et cinéma aux côtés des créateurs/trices. Notre but ? Préserver ce savoir et immortaliser la cross-culture dans un artzine de collection qui traite ses sujets en profondeur et donne une parole sans limite à celles et ceux qui font le cinéma (numéros impairs) et les jeux vidéo (numéros pairs). S’abonner c’est soutenir notre démarche, et recevoir les futurs opus en avant-première. Nos précédents volumes cinéma explorent le médium à travers des contributions inédites des créateurs/trices de The Thing, Hellraiser, The Lighthouse, Poor Things, Dark City ou Event Horizon.

En optant pour la décision risquée de basculer S!CK en parution quadrimestrielle (tous les 4 mois), nous voulions d’abord nous octroyer plus de temps pour être à la hauteur de notre vision. À l’heure où le dématérialisé et la culture de l’instantané semblent l’emporter, nous voulons avancer toujours plus loin dans la direction opposée en proposant un objet papier persistant et rempli d’humanité, aux finitions soignées. Merci de continuer à nous pousser dans cette démarche de minutie et de préservation. Avec vous, nous voulons désormais utiliser au mieux ce temps pour travailler avec les créateurs/trices — échanger, partager, et faire de chaque incursion dans le Vortex quelque chose de spécial.

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Une fois votre précommande validée, vous recevrez un premier mail de confirmation. Un second mail vous sera envoyé au moment de l’expédition finale de votre commande. Les précommandes pour S!CK #031 se terminent le 22 juin 2025 et le magazine partira à l’impression dans la foulée. Nous espérons expédier les exemplaires courant juillet.

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De l’impression jusqu’à l’expédition finale, vous pouvez suivre les étapes de chacun de nos projets sur notre Journal de Bord.

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Oui ! Les frais de port seront adaptés à la zone géographique dans laquelle vous résidez. Si vous souhaitez offrir le magazine à quelqu’un, vous pouvez télécharger et imprimer notre carte cadeau ici.

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Par Pharmacien du Culte
Tous les premiers mercredi du mois, on part à la rencontre des créateur/trices du cinéma et du jeu vidéo au sein d'une newsletter cross-culture qui prolonge les réflexions du magazine. Ce mois-ci, on discute avec le concept artist d'Alien Romulus, Blade Runner et Fondation !